GREEN BEACH Acte 2 (2019) : TIAGBA
THÈME : LA LAGUNE, UN MILIEU A PROTÉGER
Que sait-on de l’écotourisme ?
L’écotourisme ou le tourisme vert est une des formes du tourisme durable, qui est davantage centré sur la découverte de la nature. Le concept est assez récent, et est apparu il y a seulement une trentaine d’années. La Société Internationale de l’Écotourisme (TIES), 1991, le définit comme :
« un voyage responsable dans des environnements naturels où les ressources et le bien-être des populations sont préservés ».
L’écotourisme est l’un des secteurs qui connait les plus forts taux de développement dans le monde. Respectueux des milieux naturels, il intègre une dimension éthique et écocitoyenne.
En effet dans certains pays, l’écotourisme n’est plus préconisé comme une activité marginale destinée à financer la protection de l’environnement, il y est devenu un secteur moderne d’une économie nationale, et un moyen de générer d’importantes ressources. C’est le cas de du Kenya, Equateur, Népal, Madagascar…, dans lesquels l’écotourisme constitue la source de revenu principale. Le territoire ivoirien également, regorge de nombreuses potentialités (plages, lagunes, mangroves, île, sites historiques, parcs nationaux et réserves etc.) capables de développer l’écotourisme.
Tiagba, un site écotouristique
Tiagba est un village lacustre situé à 100 km à l’ouest d’Abidjan dans le département de Jacqueville. C’est une destination touristique, certes peu prisée, mais fait partie des rares îles dotées de telles potentialités naturelles que l’on rencontre en Côte d’Ivoire.
L’accès au site par la route en partant d’Abidjan, se fait via la côtière en passant par Dabou, puis le village de Toupah avant de déboucher sur la lagune Ebrié qui entoure complètement le pittoresque village de Tiagba. A ce niveau, une courte traversée à pirogue est nécessaire pour accéder effectivement au site.
Sur une superficie de 32 hectares, cohabitent les autochtones Ahizi, avec des allochtones et des allogènes essentiellement de la sous-région ouest africaine. Le recensement général de la population et l’habitat de 2014 (RGPH 2014) a dénombré 3114 habitants, soit 5,53% de l’ensemble du département de Jacqueville, avec un rapport de masculinité de 99,9. Par ailleurs, le site est peu cultivé et l’on peut apercevoir de beaux arbres qui émergent de la végétation.
Outre ces aspects naturels, Tiagba se distingue par ses lieux de culte parmi lesquels l’église Papa Nouveau. La principale activité de l’île est naturellement la pêche artisanale. De ce fait, on note la présence sur la lagune de nombreux piquets émergents sur l’eau et qui constituent des pièges pour la capture surtout de poissons « machoirons » (Ameirus melas).
On voit également partout sur les rives les nombreuses pirogues qui servent aussi bien à la pêche qu’au transport de marchandises vers les autres villages. Par ailleurs, les habitants s’adonnent essentiellement sur le continent à la culture du manioc et l’« attiéké » est la spécialité locale.
Le système lagunaire ivoirien : présentation et fonctionnement
Une lagune est une dépression côtière située au-dessous du niveau moyen des océans, ayant une communication permanente ou temporaire avec la mer, mais isolée de celle-ci par un cordon ou tout autre type de barrière littorale. La notion de lagune stricto sensu est toujours synonyme de relation avec la mer (lagunes paraliques), au travers d’une « barrière » littorale (appelée également seuil, flèche, cordon ou lido) dont la morphologie détermine le régime hydrologique de ces milieux, et constitue un des facteurs les plus importants de la nomenclature lagunaire (LANKFORD, 1977).
L’ensemble lagunaire de la Côte d’Ivoire forme un espace de contact original entre l’océan et le continent, dont l’image est indissociable aujourd’hui de celle du littoral ivoirien. Cet ensemble occupe toute la partie orientale du pays, sur une distance d’est en ouest de près de 300 kilomètres et une surface de 1 200 kilomètres carrés et plus de 1 500 kilomètres de rivages. Ce système lagunaire associe des lagunes remarquables, qui communiquent tous ensembles.
Bien qu’exceptionnels à l’origine, les milieux naturels associés à cet ensemble lagunaire ivoirien sont aujourd’hui fortement dégradés, tant la pression humaine surtout urbaine qui s’exerce depuis des décennies sur cet espace fragile est intense, comme c’est le cas de la lagune Ébrié.
La lagune Ébrié : gestion et problématique de pollution
Le système lagunaire Ébrié a une superficie 566 km2 et s’étire sur 140 km le long du Golfe de Guinée entre 3°40 et 4°50 à la latitude de 5°20 N. Il est constitué de la lagune Ebrié proprement dite et des lagunes Potou et Aghien pour 43 km. La lagune Ébrié se compose d’un bassin central, d’un bras occidental et d’un bras oriental.
Elle présente de nombreuses baies et des chenaux peu profonds (entre 4 et 6 m environ) débouchant parfois sur des fosses de 20 m de profondeur. La largeur et la profondeur moyennes de la lagune restent faibles, de l’ordre de 4 km et de 4,8 m respectivement. Le volume de la lagune est 2,5.109 m3. Le bassin versant de la lagune Ebrié couvre 93 600 km2 dont 78 000 km2 sont drainés par le fleuve Comoé, 8 900 km et 4 300 km2 par les rivières Agnéby et Mé. Tous ces cours d’eau sont orientés Nord-Sud.
Pollution de la lagune
On distingue trois grandes catégories de pollution en lagune Ebrié, en l’occurrence chimique, organique et microbienne. Il faut y ajouter la pollution liée à l’apparition saisonnière des végétaux flottants provenant des lagunes Aghien et Potou.
Les polluants chimiques en milieu rural auraient pour principale origine les parcelles de cultures industrielles situées sur le bassin-versant de la lagune Ébrié. Les pesticides et les divers insecticides utilisés pour la fertilisation des sols et contenus dans les eaux de ruissellement sont donc déversés dans le plan d’eau lagunaire et constituent ainsi une source importante de pollution chimique.
Des auteurs attribuent une partie de la pollution chimique aux industries ivoiriennes. Cette pollution serait constituée de substances toxiques notamment : la soude, les acides, les huiles minérales, les pigments des industries textiles, les métaux lourds des ateliers métallurgiques, la glycérine des savonneries et l’arsenic des ateliers de tannage de peaux. Ces derniers révèlent une pollution à base d’hydrocarbures, d’organochlorés et de métaux qui a été mise en évidence à partir de l’analyse de sédiments des baies urbaines qui contiendraient plus de 1 000 μ g. g-1 d’hydrocarbures totaux.
Toujours selon les mêmes auteurs, la lagune rurale en dehors de la baie de Bingerville ne serait pas en danger du point de vue de la pollution par les hydrocarbures pétroliers.
Les sources principales de pollutions organiques les plus connues sont les rejets des industries et des eaux usées domestiques. Les résidus d’industries agroalimentaires constitués de malt, de levure et d’huiles végétales représenteraient à eux seuls 47 % de la pollution organique totale issue de l’agglomération d’Abidjan.
Les analyses des pollutions bactériennes des eaux de la lagune Ébrié du secteur de la capitale économique ivoirienne, révèlent qu’elles sont 500 fois plus chargées en E.coli et 70 fois plus en entérocoques que celles d’une zone estuarienne de référence. Cette pollution suit des rythmes saisonniers qui sont fonction de l’importance des apports continentaux qui influent eux-mêmes sur la salinité.
Les plus hauts degrés de contamination fécale concernent les baies qui représentent des zones où le renouvellement de l’eau se fait mal. Il s’agit par ailleurs le plus souvent d’espaces de rejets des égouts qui sont la cause d’une forte pollution bactérienne, ainsi que d’effluents acheminés à leur extrémité continentale par les émissaires d’eaux pluviales. Les déversements continus contribuent alors à l’augmentation de la contamination fécale des eaux de la zone d’Abidjan, jugées impropres à toutes activités de baignade dans leur ensemble depuis 1990, en conformité avec les normes OMS/PNUE.
Par ailleurs, les pratiques quotidiennes des populations qui habitent sur les rives de la lagune Ébrié constituent une menace grave au maintien de sa bonne qualité environnementale. La pression humaine renforcée sur ses berges s’est en effet accompagnée d’une dégradation évidente du milieu et d’une souillure de l’espace qui en dit long sur l’abandon des valeurs de propreté dans les grandes villes comme Abidjan et sur la dérive des comportements individuels dans le domaine.
Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), a publié en juillet 2015 à la demande du gouvernement ivoirien un document intitulé « Côte d’Ivoire : évaluation environnementale post conflit». Ce document a porté un regard très critique sur la qualité de la lagune Ebrié et l’environnement en général. Ce document a fait état entre autres de la forte pollution de la lagune Ebrié, constatée autour de la ville d’Abidjan, de l’empiètement de la lagune pour diverses utilisations, de la modification de la circulation hydraulique du fait de la fermeture de l’embouchure de la Comoé à Grand-Bassam. En dépit du constat fait par ces experts, il est encore possible de renverser la tendance pour faire de la lagune Ebrié, un lieu de loisir, de baignade, « une perle » comme autrefois.
Par ailleurs, les pratiques quotidiennes des populations qui habitent sur les rives de la lagune Ébrié constituent une menace grave au maintien de sa bonne qualité environnementale. La pression humaine renforcée sur ses berges s’est en effet accompagnée d’une dégradation évidente du milieu et d’une souillure de l’espace qui en dit long sur l’abandon des valeurs de propreté dans les grandes villes comme Abidjan et sur la dérive des comportements individuels dans le domaine.
Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), a publié en juillet 2015 à la demande du gouvernement ivoirien un document intitulé « Côte d’Ivoire : évaluation environnementale post conflit». Ce document a porté un regard très critique sur la qualité de la lagune Ebrié et l’environnement en général. Ce document a fait état entre autres de la forte pollution de la lagune Ebrié, constatée autour de la ville d’Abidjan, de empiétement de la lagune pour diverses utilisations, de la modification de la circulation hydraulique du fait de la fermeture de l’embouchure de la Comoé à Grand-Bassam. En dépit du constat fait par ces experts, il est encore possible de renverser la tendance pour faire de la lagune Ebrié, un lieu de loisir, de baignade, « une perle » comme autrefois.
Pour mettre fin à la pollution de la lagune Ebrié et amorcer la remise en état de cet écosystème, plusieurs actions ont été entreprises. On compte parmi elles une table ronde qui a réuni le 16 mars 2016, l’ensemble des parties prenantes impliquées dans la question de l’eau en côte d’ivoire. Ainsi, il a été question à cette table ronde (qui a réunis outre les acteurs du PNUE et du Ministère de l’environnement, des représentants des maires de communes d’Abidjan, des structures étatiques et du secteur privé intervenant dans la restauration de la lagune, des scientifiques), de faire le point sur ce qui a été déjà fait pour assainir la lagune et ce qui reste à faire, afin de solliciter auprès des partenaires les appuis financiers et techniques nécessaires. .
Toujours dans le cadre de la protection des eaux ivoiriennes, une convention relative à la Coopération en matière de Protection, de Gestion et de mise en valeur du milieu Marin et des zones côtières de la côte Atlantique et de la Région de l’Afrique de l’Ouest, du Centre et du Sud s’est tenu en juillet 2019 à Abidjan. En dépit de ces actions d’envergure nationale et internationale, les populations locales qui sont les principales parties prenantes de ces initiatives ne sont pas toujours imprégnées des réalités environnementales de leur terroir. Ainsi, les populations de Tiagba sont-elles suffisamment informées de ces réalités environnementales ?
La population de Tiagba face aux risques de pollutions lagunaires
Les travaux des experts ont révélés que la pollution de la lagune Ébrié est surtout accentuée dans le secteur d’Abidjan. Ainsi, plus on s’éloigne d’Abidjan, moins la lagune Ebrié est polluée. Le secteur de Tiagba est certes peu pollué, mais cette situation ne saurait être permanente si les habitudes des populations envers la lagune s’inscrivent dans une dynamique de pollution continue. Le volet scientifique de cette Green Beach, consistera à échanger avec les populations de Tiagba, à travers des « focus group » sur leurs perception et habitudes quotidiennes envers la lagune.
Principales références bibliographiques
- Patrick POTTIER et Paul Kouassi ANOH (Dir), 2008, Géographie du littoral de Côte d’Ivoire, éléments de réflexions pour une politique de gestion intégrée, Coopération universitaire Nantes-Abidjan, 325 p.
- Jean-Réné DURAND, Philippe DUFOUR, Daniel GUIRAL, Soko Guillaume ZABI (Ed), 1994, Environnement et ressources aquatiques de Côte d’Ivoire tome 2 : les milieux lagunaires, Orstom éditions, 543 p